AVANT-PROJET DE LA NOUVELLE CONSTITUTION : La suite des propositions de M. Fabou Kanté

Sene Kunafoni

II-) La nécessité de construction d’une laïcité Malienne : Comment construire la laïcité Malienne avec un contenu Malien dans un Etat Républicain ?
Cette tâche doit revenir aux Maliens en toute indépendance et souveraineté, conformément à leurs réalités socioéconomiques et culturelles et au destin qu’ils veulent pour leur pays.
Cependant, sachons qu’aucune tentative de construction de la laïcité à la Malienne ne peut se réaliser qu’en analysant le rapport Etat- Religion par le prisme de l’évolution du monde musulman dont notre pays est partie prenante. Quelques éléments de notre histoire le prouveront ci-dessous. Suivra une brève analyse du rapport Etat-Religion en Islam. De là, nos lanternes seront éclairées pour donner quelques réponses à la question ci-dessus posée.
Le Mali est d’une tradition religieuse musulmane séculaire. En procédant à la décomposition du prénom de son plus grand empereur nous aurons « Soun » « Djata. » L’interprétation de cette décomposition est assez révélatrice de l’attachement du peuple Malien à l’Islam. Le préfixe « Soun » signifie en langue Malinké et Bambara le jeûne. Il a été associé au suffixe « Djata », le prénom familial de ce grand homme pour donner Soundjata c’est-à-dire « Djata le jeûneur. » En effet, il était connu être régulièrement à jeun lorsqu’il parcourait les royaumes dispersés du Manding en quête de reconstruction d’une armée unifiée et reconstituée pour faire face aux assauts du roi Sosso. C’était au XIII ème Siècle de l’ère Chrétienne, non notre ère car chaque peuple à son ère.
Après plusieurs défaites, il finit lui et ses alliés en 1235 à Kirina, par vaincre l’un des plus grands rois anti-esclavagistes, libérateurs et panafricains du continent noir : Soumahoro KANTE. …Si nous remontons plus loin dans l’histoire, nous nous rappellerons que l’empire du Ghana est plus ancien que celui du Mali et que l’adhésion massive des populations du Wagadou à l’Islam est indiscutable. L’actuel Nord du Mali où avait existé l’Etat traditionnel de la fédération des Wilimiden défendue par les peuples Touaregs et maures contre les invasions Françaises n’ont aucune autre référence religieuse que l’Islam. La religion musulmane, moins de 600 ans seulement après le début de la mission de Mahomet a pénétré au Mali. Nul ne saurait donc nier ni disconvenir que cette religion fait partie de l’ADN culturel de toute l’Afrique de l’Ouest en général et du Mali en particulier.
Venons-en au processus historique qui a déterminé le rapport entre l’Etat et la religion dans le monde musulman ; à l’étude de l’enjeu républicain de notre proposition ; et à la démonstration de son bien-fondé par l’exposé de ses avantages. Nous pourrons ensuite aisément tailler sur mesure, le boubou de la laïcité que nous devrions porter, adapté aux dimensions de notre corps social.
Etat et religion en Islam : Deux (02) précisions importantes.

1ère précision : Contrairement à l’histoire du monde occidental, il n’a nullement eu de heurts entre la religion et l’Etat dans le processus d’évolution du monde musulman. La première ne s’est jamais servi du second pour commettre des atrocités contre des scientifiques au nom d’une opposition entre science et religion. Ceci s’explique par le fait que le Coran qui est la première source d’inspiration du droit musulman a inscrit au point un de son premier verset révélé, l’invitation à la lecture dont l’exégèse nous renvoie aux deux dimensions de la quête du savoir. La verticale, vise à optimaliser le rapport entre le croyant et Dieu par l’apprentissage des sciences islamiques et l’éducation spirituelle. Quant à la seconde, l’horizontale, elle permet une maitrise de l’environnement physique à travers les sciences exactes, sociales et humaines. ’Ce n’est pas fortuit qu’au moment où l’occidental souffrait des affres du moyen âge, le monde musulman apportait la lumière au reste du monde par les travaux de recherche hautement scientifiques et philosophiques effectués par Ibn Khaldum, Ibn Ruchdin, Ibn Sina etc. Ces savants dans leurs démarches, ont procédé à l’inventaire et à la critique des productions antiques grecques. Ils ont aussi fortement influencé plusieurs philosophes occidentaux du moyen âge et du siècle des lumières, apportant par la même circonstance leur pesant d’or à la renaissance occidentale.
2ème précision :
La consécration du premier Etat Islamique avec une organisation socioéconomique et politique dotée d’une constitution écrite vit le jour à Médine…Cette constitution dégagea les principes généraux de la vie en société avec un chef d’Etat détenteur du pouvoir politique et religieux (Mahomet lui-même). Le Messager avait défini les orientations et les objectifs de cet Etat avec comme valeurs centrales du système, la justice sociale et le respect des libertés (liberté de conscience, de penser, d’agir et de culte car à Médine coexistaient musulmans, juifs, chrétiens et athées.) Dès le départ, il y eu cette imbrication entre l’Etat et la religion dans l’organisation publique Islamique. La raison de cette fusion est qu’en Islam, il n’existe pas de discontinuité entre le spirituel et le temporel. Le concept religion renvoi ici à la fois au cultuel qu’au culturel. En parlant de l’Unicité de Dieu, de Prière, de Jeûne, de Zakat et de Pèlerinage, le musulman est dans le registre religieux. Il y reste toujours en abordant les questions relatives à l’individu, à la famille, à la société civile, à l’Etat et à la communauté internationale c’est-à-dire aux relations diplomatiques. Voici qu’il nous saute à l’œil, le décalage notaire entre la conception que le monde occidental Chrétien et le monde Musulman se font du rapport entre la religion et l’Etat. Pendant que la première relation est caractérisée par la méfiance et la distance, la seconde est plutôt caractérisée par la complémentarité et la complicité.

III-) L’enjeu Républicain de la proposition :

Lorsqu’on aborde la question de la République, le mot clé qui nous vient à l’esprit est « loi. » Respecter et appliquer une loi c’est avant tout l’accepter. En acceptant la loi, on s’identifie à elle en épousant ses caractéristiques. C’est cette acceptation qui nous permet de reconnaitre la loi qui sera alors l’incarnation de notre personnalité physique ou morale. La constitution étant la mère des lois, doit intégrer et prendre en charge les dynamiques sociales qui concourent au maintien de l’équilibre national et au fonctionnement de l’économie.
A partir des ingrédients de la république que nous venons de citer, nous pouvons alors la définir comme « Un mode d’organisation sociale fondé sur l’acceptation, la reconnaissance et le respect de la loi par les citoyens, une loi qui s’applique à ces derniers de façon juste équitable et intelligente. »
Il n’y a aucun doute que les religions et les traditions spirituelles ont toujours été et demeurent encore des faits participant à l’évolution des sociétés. Les approches que nos populations se sont faites de l’Islam dès les premiers moments de leur adhésion à cette religion, ont été remodelées par l’acquisition de nouvelles connaissances. Il est aujourd’hui accepté pour une grande partie de nos concitoyens que l’Islam est un mode de vie, un système social et un projet de société auquel ils ont souscrit. Dès lors que l’écrasante majorité de la population malienne se reconnait en l’Islam et l’accepte comme religion ; le débat sur la problématique de l’application de la loi musulmane et de son intégration dans le corpus juridique de la République ne devrait souffrir d’aucun tabou.

A suivre…….

Fabou Kanté

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