La mutuelle, une association volontaire de personnes à but non lucratif fonctionnant sur la solidarité, la prévoyance et l’entraide entre ses membres comme le stipule la Loi no 96-022 du 21 février 1996 régissant la mutualité. Régie selon certaines valeurs et certains principes mutualistes, elle est une entreprise sociale gérée démocratiquement où l’humain est au cœur de toutes les réflexions. Pour informer le public sur son rôle, avantages et son fonctionnement, le Directeur Général Issa Sissouma a reçu une équipe du site » senekunafoni.net », le vendredi 03 mars 2023 dans ses locaux à Medina Coura.
Qu’est-ce que la mutuelle ?
La mutuelle constitue un levier de développement local, régional et national investit socialement dans sa communauté avec une grande capacité de mobilisation sociale. Elle incarne le mouvement mutualiste qui est désigné dans sa globalité en tant que composante de l’économie sociale au même titre que d’autres mouvements tels que les sociétés coopératives et les associations.
Les domaines d’intervention de la Mutuelle ?
Le mouvement mutualiste évolue dans le domaine de la protection de façon générale et offre plusieurs types de prestations : santé, retraite/Décès et risque agricole en contribuant ainsi à la couverture des risques sociaux et en assurant des services de proximité sur une base de volontariat à ses membres sans pour autant les ruiner. Il est un mouvement itératif qui fait intervenir plusieurs domaines (financement de la santé, nutrition, inclusion financière, environnement, genre et développement, lobbying et plaidoyer, …) dans le but de performer les acteurs et leurs organisations au sein des réseaux à même de répondre aux exigences de l’excellence dans le souci de l’atteinte des objectifs de croissance et de développement.
Pour le volet financement de la santé, il est un dispositif, aux côtés de l’Assurance Maladie Obligatoire – AMO pour le secteur formel (17% de la population) et du Régime d’Assistance Médicale – RAMED pour les indigents (5% de la population), en charge de couvrir les 78% des
populations du secteur informel et du monde agricole.
Quels sont les grands défis et contraintes de la mutualité pour une adhésion massive dans le monde rural ?
Sur le tas, pour passer de la noble ambition de la couverture universelle proclamée par les pouvoirs publics à la réalité d’un meilleur accès aux soins pour les larges masses populaires, il s’agira de relever entre autres les défis suivants : Du côté du mouvement mutualiste : Accompagner la dynamique de couverture géographique de tous les cercles du pays par des mutuelles sociales fonctionnelles ; Accompagner la professionnalisation de la gestion des
mutuelles par le recrutement de personnels qualifiés pour la gestion quotidienne ; Mettre en place des stratégies efficaces de collecte des cotisations qui constitue de nos jours une réelle problématique au sein des mutuelles, unions et fédération ; Assurer l’amélioration de la satisfaction des mutualistes (accueil, délai d’attente, coût de l’ordonnance, hygiène, …) avec la mise en place d’instruments de fidélisation. Du côté de l’État : Créer un environnement favorable au développement des mutuelles de santé avec une coordination et une
intégration de tous les mécanismes y compris les gratuités sans garantie de pérennité ; Assurer un financement pérenne ; Assurer la disponibilité des soins de santé de qualité. Ces défis sont énormes mais restent supportables dans les dynamiques de partenariat porteur
de développement autour de l’accès équitable de tous aux soins de santé de qualité tout en minimisant les dépenses catastrophiques aux ménages en lien avec les contraintes pour une adhésion massive des populations du secteur informel et du monde agricole aux mutuelles, il
sera important de travailler entre autres à : Améliorer la faible taille surtout en milieu rural et le faible recouvrement des cotisations ; Renforcer la gouvernance qui reste faible du fait du
bénévolat ; Faire reculer le scepticisme, la méfiance vis-à-vis de l’assurance sociale mutualiste ; Améliorer la qualité des services offerts surtout les soi au taux national estimée à 2% (source AMAMUS).
Il est loisible de constater que enthousiasme de démarrage amène plusieurs personnes à s’enrôler mais au fil des ans beaucoup elles ont du mal à renouveler leurs cotisations pour plusieurs raisons : pertes de revenus, non-satisfaction des soins reçus dans les structures de santé conventionnées. Cet aspect de fidélisation est aussi un aspect majeur du développement des mutuelles.
Quels sont les rapports de la mutualité avec l’Etat ?
La politique de protection sociale au Mali porte sur 4 orientations stratégiques l’extension des champs d’application matérielle et personnelle de la sécurité sociale, le développement de l’aide sociale et de l’action sociale, le développement de la mutualité et autres
organisations basées sur la solidarité, le développement institutionnel et renforcement du mécanisme de financement de la protection Sociale. Ce faisant l’État malien a mis en place un
environnement législatif et réglementaire plus favorable au développement des mécanismes de protection sociale et au financement alternatif de la santé pour une meilleure couverture des risques sociaux dont le plus récent est la loi n° 2018-074 du 31 décembre 2018 instituant le Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU). Cette loi fait de l’Union Technique de la Mutualité (UTM) un Organisme Gestionnaire Délégué (OGD) au même titre que la Caisse Malienne de Sécurité Sociale (CMSS), l’Institut Nationale de Prévoyance Sociale (INPS) et l’Agence Nationale d’Assistance Médicale sous le contrôle de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CANAM). Le mouvement mutualiste à travers l’UTM est reconnu comme structure associée à l’exécution du service public depuis 2002, et a signé une convention de financement avec l’Etat. Cette convention a été actualisée en 2021 à travers un nouvel accord signé par l’Agence Malienne de la Mutualité Sociale (AMAMUS), pour le compte de l’Etat. Le challenge du Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) qui n’est pas le moindre nécessite un accompagnement réel de l’État afin que le monde rural se sente concerné pour une fois et que les mutuelles autonomes dans leur dynamique de développement.
La mutuelle est la LOI DU NOMBRE : une mutuelle d’un million de personnes cotisant chacun annuellement 8 700F CFA par exemple, le système générera 8,7 milliards de cotisation annuelle totale pour faire face aux dépenses de santé de ses membres et assurer toute sa politique de développement.
Des difficultés qui ralentissent les activités de la mutualité ?
La faiblesse du niveau de couverture, le retard des remboursements des frais liés aux soins, le manque de pérennisation des actions constituent de véritables freins à l’extension de la politique de couverture maladie. À cela s’ajoutent entre autres : le faible pouvoir d’achat des ménages ; le mode d’adhésion volontaire aux mutuelles ; insuffisance de communication des plus hautes autorités autour des mutuelles de santé au Mali ; la faible qualité des soins de santé diffusés dans les structures de santé ; l’insuffisance dans la gouvernance du système ; la faible communication autour des mutuelles par les autorités comme c’est le cas avec l’AMO et le RAMED, bien entendu que les mutuelles constituent la grande masse (72% de la population).Un mot de fin à l’endroit des adhérents de la mutualité La protection sociale est un élément clé pour la réduction de la pauvreté et la croissance économique. Elle est révélatrice du niveau de prise en charge des besoins en couverture sociale des populations par l’Etat. Les organisations de travailleurs doivent s’engager à consolider le socle de protection sociale dans une approche inclusive. Imaginez une société où 90% de la population se porte bien en termes de cadre de vie de façon générale : santé, eau, nourriture, hygiène,… et surtout de réalisation de soi à travers les actes combinés de tous ! Nous vous assurons que la mutualité saurait fournir ce cadre si les populations notamment les groupes cibles sortent du manège de l’assistanat et des mains tendues aux autres. Les mutuelles sont des regroupements d’hommes et de femmes qui peuvent faire beaucoup plus que l’entraide aux soins. Ils ont en main, un levier de l’épanouissement réel de la personne sur beaucoup de plans (sanitaire, éducatif, environnemental,). Il suffit de le croient et de se mettre ensemble en ordre de bataille avec la confiance qu’il faut pour y parvenir. Ceci dit, les mutualistes vu leur potentiel de personnes à couvrir peuvent faire des «ROIS» et influencer la mise en place des politiques de ses domaines d’intervention voire le choix des dirigeants en charge de la gestion du pays s’ils se rendent compte de leurs forces tant sur le plan local que national. Enfin, il est important d’avoir à l’esprit que l’Etat est un acteur économique de santé dans les structures de santé conventionnées, Mener des actions de promotion médias et hors-médias en vue de faire connaître les régimes proposés par les mutuelles ; Jouer pleinement le rôle qui est le sien en tant qu’Organisme Gestionnaire Délégué (OGD) du dispositif du Régime d’Assurance Maladie Universelle – RAMU.
Quels sont les enjeux de la mutualité pour les femmes rurales ?
Les femmes sont le socle sur lequel doit reposer la mutualité surtout en milieu rural du fait de leur rôle dans la société. Les enjeux de la mutualité spécifique aux femmes rurales sont entre autres : La participation active des femmes aux instances et organes décisionnels des mutuelles avec un quota d’au moins 30% ; La prise en compte des besoins spécifiques des femmes dans l’offre de service des mutuelles (auto emploi des femmes via les activités génératrices de revenu (AGR) ; La valorisation des compétences locales féminines dans toutes les activés de développement des mutuelles : activités nutritionnelles, sensibilisation, dépistage/référence, …Aussi, nous allons lancer officiellement un producteur, une couverture sanitaire universelle. Le monde rural représente 70 % de la population Malienne, il est important de faciliter l’accès à des soins de qualités. Avec un slogan,« pour mieux produire, il faut être en bonne santé ».Informez-nous des atouts de la mutualité pour les hommes et les femmes du monde rural Tout d’abord, il est important de savoir que le gouvernement du Mali dans son document politique nationale de protection sociale a trois (3) Instruments de couverture Maladie Universelle à savoir : l’AMO, le RAMED et les Mutuelles sociales qui sont mandatées à assurer la couverture des 78% de la population, les hommes et femmes du monde agricole et du secteur. La mutualité ne comporte en fait que des atouts si seulement les populations le savent. En effet, si les ménages sont laissés à eux-mêmes, il est évident que sur une période moyenne beaucoup crouleraient sous le poids des dépenses de santé, d’autant plus que personne ne saurait dire jusqu’à quel niveau cela s’arrêtera. L’exemple des cotonculteurs de Nongon est bien illustrant. Avant la mise en place de la mutuelle, malgré que la vente du coton apporte des sommes importantes aux producteurs, trois (3) mois après leur encaissement les familles se retrouvaient aussi démunies qu’auparavant. Ainsi, la mutualité crée et favorise l’entraide, la solidarité dans une dynamique de mutualisation des moyens et partage des risques. Elle stimule le recours rapide aux soins de santé et fournit des soins de santé à des proportions raisonnables sans que les personnes couvertes ne se ruinent. Elle tisse et raffermit les liens sociaux car c’est en bonne santé que les gens créent de la richesse en menant des activités économiques et en entretenant des niveaux de vie à mesure de satisfaire leurs exigences et leurs besoins fondamentaux.
Avez-vous une idée sur le pourcentage des souscriptions de la
mutualité dans le monde rural ?
Bien que les mutuelles ne couvrent pas pleinement le monde rural, le taux de pénétration de la population cible reste est faible. Au 31 décembre 2022, les 142 mutuelles sociales agréées au Mali comptaient un effectif total de 425 544 bénéficiaires. La couverture de la population réalisée avec cet effectif de mutuelles sociales encadrée par l’UTM est en moyenne estimée à 4% chaque ménage individuel avec des recettes et des dépenses mais avec la latitude de bien gérer les fonds collectés ou pas. Donc si les mutualistes décident en tant qu’acteur économique de mettre en commun leurs ressources et de bien les gérer, ils n’auront rien à envier à qui que ce soit et ce, sur tous les plans et à n’importe quelle période.
Réalisation Dognoume Diarra