SUPERSTITION : Quand la pauvreté pèse sur la foi

Sene Kunafoni

De nos jours certaines femmes de toutes les catégories d’âge et de classe sociale à savoir : commerçantes ; étudiantes ; universitaires ; paysannes ; femmes d’affaires etc…se retrouvent à un moment de leur vie, confrontées à des doutes profonds. Elles sont prises par la hantise d’un mauvais sort ou la probabilité d’un avenir incertain.
En effet, prise entre le marteau et l’enclume par la tradition et la modernité, elles sont nombreuses les maliennes à vivre douloureusement ces conflits psychologiques. Bon nombre d’hommes le sont également. Ainsi va la vie des bamakoises. Toutes passent par-là, un jour ou l’autre. A des degrés divers elles sont sous l’emprise de la superstition ou de la crainte d’être marqué par un sort jeté par une rivale (coépouse, belle-sœur), etc. Toutes sont convaincues que des nuages noirs peuvent obscurcir subitement des lendemains que nous imaginons gais. Il faut lire dans les signes magiques, l’événement futur déterminant ce qui va se produire.
L’habileté et la réputation de certains voyants sont liées à la justesse des sacrifices pour le neutraliser s’il est néfaste ou le provoquer s’il est bénéfique. Paradoxalement la population féminine supporte tout le poids de la société. La prise de conscience de cette responsabilité engendre le stress dans leur vie, les poussant parfois à rechercher l’aide de Dieu.
Les bamakoises sont nombreuses aujourd’hui et toujours prêtes à payer le prix fort pour sonder l’avenir. Ce que demain leur réserve. Ainsi une grosse partie de leur économie atterrit dans la poche des devins. Pourquoi tant de femmes aiment consulter un voyant ? Ba Youssouf Cissé, sociologue en service à SOMIMA, donne son explication par rapport à ce sujet. Il estime que la superstition est l’un des fondements de notre société. Dans tous les pays de l’Afrique noire, le Mali en particulier, les superstitions demeurent vivaces. Elles sont même souvent intégrées à la religion. Selon le scientifique, les femmes dépensent leur argent dans l’occultisme pour être rassurées sur Leur vie. Ce constat est confirmé par la plupart de nos interlocutrices.
Une dame rencontrée à Banankabougou, dont nous allons taire l’identité est mariée à un homme nanti de la capitale. Elle a parcouru pendant des années tous les coins et recoins de la brousse à la recherche d’un marabout performant. Au finish elle se dit heureuse aujourd’hui. Elle est convaincue que grâce à la compétence de son marabout elle est restée et elle restera l’unique épouse de son mari. Chaque semaine, la consultation lui coûtait plus de 20 000 f CFA. Cela ne prend pas en compte les frais des sacrifices recommandés par le devin. « 50 000f CFA par consultation, ce n’est pas trop dépenser, c’est le résultat qui compte » a déclare, madame Coulibaly. Elle garde toujours sa confiance à son marabout. Même s’il taxe cher. Et au bout du compte elle a obtenue gain de cause. La persévérante dame affirme tirant la leçon de ses expériences que 90% des consultations sont couronnées de succès.
Manténé a été prise au piège sans s’en rendre compte. Elle marchandait un jour avec un client de savon au marché de son quartier. Tout à coup, elle aperçut un vieux qui se dirigeait sur elle. L’homme âgé est venu s’arrêter à côté d’elle. « Il m’a dit qu’il avait eu des flashes, des visions dès qu’il m’a aperçue. Au début je n’ai pas accordé de crédit aux propos « du magicien ». Mais il m’a rappelé des faits réels que j’ai vécus dans le passé et qui m’avaient marquée. Le vieillard en savait long sur ma vie. Le pouvoir extralucide de l’homme m’a convaincu. Ma méfiance évanouie j’ai commencé à fréquenter ce charlatan, sans vraiment penser aux conséquences qui pouvaient m’arriver ».
Au début le marabout réclamait peu de choses. Mais au fil du temps, la crédule femme a vendu tous ses bijoux et tous ses objets de valeur au profit du pseudo faiseur de destin. « Je n’ai pas obtenu ce que je voulais explique avec amertume ». Même déception pour Astou, elle est devenue une fidèle cliente. Même vivant actuellement en France Astou continue de consulter son marabout au moins une fois dans l’année. Les frais des poudres magiques et des eaux bénites, les « nachi », lui coûtent jusqu’à des millions de Fcfa. Cette femme a irrémédiablement accepté de laisser gérer sa vie par procuration. Tout son comportement social et toutes ses décisions sont prescrits par un marabout ou un féticheur.
Les épouses, les étudiantes modernes ne se sentent pas coupables de rendre de multiples visites aux charlatans, marabouts et féticheurs. Elles ne manquent pas d’arguments pour se justifier. Les visites chez le devin sont diversement appréciées selon la perception de chaque individu. « Je ne vois aucune extravagance dans le fait de consulter quelqu’un qui sait lire l’avenir » commente Bintou. « Elle estime qu’on cherche l’argent pour son plaisir ».
Dans la vie toute personne veille à écarter la nuisance sur son chemin. Et le mieux serait de l’écarter le plus tôt possible. Il est donc naturel de recourir au devin, le médecin de l’âme. Tel est le credo de Bakari F. Ce bozo reçoit des centaines de bamakoises à chacun de ses séjours dans la capitale. Il explique que la voyance est un don qui n’est pas donné à tout le monde. Mais il déplore l’intrusion des farfelus dans ce domaine ésotérique.
Issa Baradian TRAORÉ

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