La migration irrégulière est un fléau mondial qui gangrène la jeunesse. Les pays les plus pauvres et ceux en voie du développement sont les plus touchés. Au dire de certains observateurs, elle est la conséquence de la faillite de l’éducation scolaire, du manque d’emploi, la famine… Chaque année, des milliers d’individus perdent la vie sur l’océan et le désert en tentant de se rendre en Europe à la quête d’un avenir meilleur. A travers cet article, nous vous invitons à découvrir le cas de M. Amara Konaré dit Dj Bamanan, un rescapé de l’immigration clandestine qui gagne désormais sa vie à travers la musique.
Face à la pauvreté persistante, le manque de perspective ainsi que les affronts de la société malienne, Amara Konaré n’a eu d’autre choix que de prendre le chemin de l’exil. En prenant cette décision, il espérait avoir une vie plus décente. Mais hélas, après plusieurs années et plusieurs pays visités, il retournera en famille avec seulement deux mille franc (2000F CFA) en poche. Au fil des années, il a vu ses semblables rendre l’âme dans les conditions les plus ignobles. Il a lui-même fait la prison pour des raisons les plus banales. A tel point que, tout ce qu’il souhaitait, était de retrouver un jour les siens en étant en bonne santé. La faim, la torture, l’humiliation…, faisaient partie de son quotidien.
Lisez plutôt ce qu’il a confié à notre rédaction pour mieux comprendre la souffrance d’un migrant irrégulier :
‘’Partir pour réussir afin de changer ma vie et celle des miens ou mourir avec honneur en tentant d’y parvenir, était mon objectif. En réalité, je n’arrivais plus à supporter les humiliations constantes causées par les réalités de notre société garnie de critiques et de préjugés. Quand mon père m’envoyait à l’école, tout petit, il espérait que cela allait me permettre un jour de faire face à mes besoins. Un espoir qui ne se réalisera jamais. Car, malgré les diplômes obtenus, aucune possibilité ne s’offrait à moi. Du coup, je multipliais les petits boulots pour joindre les deux bouts. Avec ce tâtonnement quotidien, qui était devenu mien, je perdais espoir en la vie. Mieux, mes parents qui prenaient de l’âge souhaitaient me voir me marier et de faire des enfants. Mais hélas, mes moyens ne me permettaient pas de faire plaisir à mes parents. C’est ainsi que j’ai décidé de partir pour, soit réussir pour revenir faire plaisir à mes parents, ou de périr. Je n’avais point peur de la mort. D’ailleurs, je la préférais à la honte. Il était devenu inadmissible pour moi de croiser le regard de mes parents. Mourir dans le désert et servir de nourriture pour les vautours ou dans les océans pour servir de nourriture aux poissons, était sans doute plus mieux. Convaincu que je devrais partir pour réussir ou mourir, je me suis lancé sur la route de l’incertitude. Mon rêve le plus précieux était de fouler le sol espagnol. Un rêve qui sera brisé quelques années plus tard au Maroc. En compagnie de 16 autres candidats à la migration clandestine notre pirogue a butté avec une patrouille policière. Après sept jours de voyage dans les conditions les plus atroces. Suite à une panne de vivres, 10 de nos coéquipiers ont trouvé la mort. La moindre chance pour nous autres, a été d’avoir été sauvé de la pirogue pour être conduit en prison. Quand nous avons été libérés, je me suis retrouvé au Niger, ou j’ai été rapatrié. Dans ce pays frère, je suis resté plusieurs années sans être iniquité. Mieux, c’est dans ce pays que j’ai appris à faire de la musique. Ayant pris finalement conscience que les miens avaient besoins de moi au pays, j’ai pris la ferme décision de retourner sans complexe. Les difficultés rencontrées ailleurs m’ont permis de comprendre que mon sort n’était pas le plus mauvais. Ainsi, aussitôt que j’ai eu le prix du transport, j’ai pris le bus pour Bamako. J’ai donc rejoint les miens en ayant en poche la modique somme de 2000F CFA. Un montant nettement inférieur à ce que j’avais sur moi le jour de mon départ. Oui, je suis revenu à la maison les mains vides, mais j’avais appris des tas de choses qui devraient me servir pour changer ma vie. Au bout de quelques mois, j’ai enregistré mon premier album qui fut un véritable succès. Depuis lors, j’ai décidé de faire de la musique mon gagne-pain. Au fil des années, je me suis également investi dans l’agriculture et l’élevage. Même si les choses ne vont pas comme je le souhaite toujours, j’avoue que je préfère cette vie à celle de l’aventure qui est pleine d’incertitude’’, a-t-il dit avec presque des larmes aux yeux. Aussi, il a rappelé qu’il est initiateur d’un festival annuel appelé ‘’Yêrêko’’. Un festival à travers laquelle il sensibilise les jeunes maliens sur les conséquences de l’immigration clandestine.
La part de responsabilité des autorités :
Pour cause de la migration clandestine, l’accent est mis sur le fléau du chômage qui pousse les jeunes à aller à la recherche d’un lendemain meilleur. A cet effet, bon nombre de nos concitoyens dénoncent un manque de vision des autorités vis-à-vis de la jeunesse. Cela interpelle les autorités africaines, particulièrement celles du Mali, du Burkina Faso, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Centre-Afrique, du Niger, du Nigeria, du Ghana dont les ressortissants sont en grand nombre dans la pratique de la migration clandestine, à faire face au problématique du chômage des jeunes. Pour y parvenir, l’ouverture des filières de formation en adéquation avec les besoins réels du marché de l’emploi pourra être une bonne idée.
Dognoume Diarra