« Si tous les enfants du royaume venaient, par leurs mains assemblées, boucher les trous de la jarre percée, le pays sera sauvé« . Cette métaphore du roi Ghézo d’Abomey (Bénin) vaut aujourd’hui pour le Mali, qui vit l’une des crises les plus aiguës de son existence. Notre front sociopolitique est en ébullition depuis deux mois. Cette montée du mercure a atteint un niveau tel qu’il urge de privilégier la table du dialogue pour sauver l’essentiel : le Mali.
Une partie de notre peuple meurtri, rejetant les résultats définitifs des dernières élections législatives, exige depuis deux mois la démission du président de la République et de son régime. Regroupés au sein du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), les opposants au chef de l’Etat ont lancé un mouvement de désobéissance civile qui rappelle à bien des égards les journées chaudes de janvier-mars 1991 qui ont abouti à la chute du général Moussa Traoré, alors président du Mali. La colère est certes légitime, mais dans notre pays d’oralité, le dialogue sincère peut aussi s’avérer fructueux. Or, le risque d’une rupture brutale est là, patent.
Pourquoi ne pas prendre au mot le président de la République, qui assure que sa main est tendue à ses opposants qui sont avant tout ses frères qui veulent peut-être seulement que le pays soit mieux géré et non en découdre forcément ?
Une chose est sûre, le dialogue fécond et les concessions mutuelles permettent toujours de laver le linge sale en famille. Les Maliens ont plus que jamais l’occasion rare de prodiguer une leçon d’humilité, de sagesse et d’amour de la patrie aux futures générations, à l’Afrique et au monde, en acceptant des négociations directes pour dégager les voies de sortie honorables de la crise.
Mais encore faudrait-il que les uns et les autres acceptent que l’extrémisme ne mène nulle part. Le président a déjà accédé à deux requêtes majeures de la contestation (l’abrogation du décret de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle et l’application entière de l’article 39 mettant fin à la grève de la Synergie des syndicats de l’enseignement secondaire, fondamental et préscolaire).
Le dialogue est bien possible et la balle est dans le camp des contestataires, qui devraient se convaincre que leur victoire est déjà certaine dans la mesure où, dorénavant, plus rien ne sera comme avant et ce, jusqu’à la fin du mandat d’IBK.
Depuis 2012, notre pays ne cesse de saigner, de pleurer, d’enterrer ses morts, de soigner ses blessés et de nourrir ses enfants empêchés de semer à plus forte raison de récolter. La crise multidimensionnelle a ouvert plusieurs fronts d’urgence. Il faut faire face à la fois à l’insécurité, aux questions de développement du pays, à l’insécurité alimentaire, à la demande sociale très forte.
L’insécurité, d’abord circonscrite au nord, s’est étendue au centre du pays où elle a pris la forme d’un conflit intercommunautaire poussant des milliers de Maliens à quitter leurs localités et occasionnant une augmentation du nombre de personnes en détresse alimentaire. De plus, l’Etat a perdu le contrôle des deux tiers de son territoire.
Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, voire obligatoire que les Maliens se réunissent, se parlent et mettent le pays au-dessus de tout. Les défis sont grands et personne n’a intérêt que le pays brûle. A cause de cette situation, beaucoup de Maliens ont oublié l’existence de la crise sanitaire. Du coup, les mesures barrières contre la Covid-19 sont foulées au pied. En plus, cette contestation joue sur la libération du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé.
L’heure n’est pas à la rupture, à la discorde parce qu’un autre 10 juillet conduirait le pays au chaos. Tâchons d’y penser !
Le Focus