Calvaire des patients dans les structures sanitaires de Bamako: Le Dr Guida Landouré en témoigne à travers un cri de cœur

Sene Kunafoni

Le dimanche 02 mai 2021 soir, j’étais aux urgences d’un hôpital. Si je ne savais pas, j’allais me demander si le covid-19 circulait encore surtout dans cet hôpital qui abrite un centre de prise en charge covid-19. Patients, accompagnants et même certains personnels de santé n’avaient pas de masque.

De va-et-vient comme dans un marché. Un médecin au téléphone qui parle comme s’il était dans son « grin », riant à haute voix malgré que je lui ai fait signe de baisser la voix. D’ailleurs qui suis-je pour le lui dire avec mon « pipao » que Alassane Keita m’interdit de porter?

Que faire? On ne peut pas changer sa nature!

Au cours du transfert de ma belle-sœur dans une salle, j’ai suivi  le GS qui était seul. Arrêté à la porte pour suivre son geste, il me demande ce que je fais ici. Je réponds que la patiente est ma parente. Il me dit d’aller dehors. Il a raison parce que je ne suis pas en blouse et d’ailleurs avec mon « pipao » sombre et une tête qui n’a reçu un coup de peigne depuis le matin il peut se le permettre. Mais pourquoi pas les autres qui étaient d’ailleurs bruyants alors je restais tout calme dans mon coin adossé au mur jusqu’au transfert de ma belle-sœur?

Parce qu’il ne veut pas que je regarde ce qu’il va faire. D’ailleurs c’est justement pour ça que je le suivais sinon d’habitude je m’éloigne du personnel soignant. Pour voir comment un seul homme peut déménager une patiente d’un charriot à un lit, sans machinerie.

Hélas, sous mes yeux, il a d’abord tiré les pieds pour les mettre sur le lit puis se débrouillait à tirer le reste du corps. Malgré que la belle-sœur criait, il continua avec ses gestes. On ne ferait pas ça même à un cadavre. En sortant, je lui dis que je suis médecin et je voulais justement voir comment seul il allait transférer la patiente au lit. Il me regarde et me dit de le laisser passer, sans aucun remords. Je n’avais pas le moral de va-t’en guerre, cette nuit, donc je n’ai rien dit.

Et si c’était sa mère parce qu’elle a des enfants plus âgés que lui?

Je comprends pourquoi les nièces ne voulaient aller à l’hôpital mais il y a des cas qu’il vaut mieux amener à l’hôpital malgré tout, parce que toutes les cliniques n’ont pas ces outils et finissent toujours par référer. En ce moment arrive son coéquipier à qui il dît qu’il y a un autre « dòwèrè bèyen » comme s’il parlait d’un objet. En fait, nous aussi, médecins, faisons très souvent cette erreur en appelant les patients par leur lit. « Comment va le lit 12? Faite une PL au lit 2 ». On dépersonnifie les patients. On devait au moins dire au ou à la patient(e) de tel lit.

Ils prirent cette dame aussi mais je ne sais comment elle a été transférée à son lit. Elle devrait être plus fortunée que ma belle-sœur parce qu’il y avait deux GS. Au retour, je remarque du liquide sur le charriot. Ils l’ont juste replacée sans le nettoyer et étaient pressés d’enlever leurs gants pour partir. Quand je sortais, je trouve le coéquipier à la sortie, surfant sur son téléphone. On va le chercher encore pour une autre tâche en vain. Il s’en fiche parce que personne ne va le blâmer, surtout pas le médecin de garde que je connais, un élève effacé.

Nous avons les mêmes problèmes: on a beau dit de nettoyer les lits dès qu’un patient y passe le temps ou meurt mais rien à faire. Chez nous aussi on court derrière les GS pendant les gardes. S’ils sont là, ils sont au « grin » ou devant la télé. Si tu proposes des sanctions, la hiérarchie tente de jouer au calme.

Comme quoi, je confirme que même les parents des médecins n’échappent pas aux failles du système sanitaire malien. Il faut former les gens périodiquement dans la déontologie, la responsabilité, la communication, le respect, le traitement et l’attitude devant les patients et parents. Je ne me soustrais pas de ce lot parce qu’il m’arrive de perdre la boule. Même si très souvent à raison, on devrait éviter aux patients certaines attitudes.

Nous aimons tous le laisser-aller mais, au bout du compte, il faut sanctionner sinon certains ne vont jamais rentrer dans les rangs. Rappelons-nous, nous sommes tous des potentiels patients ou parents de patients.

 

Bonne semaine!

Dr Guida Landouré (Accompagnant)

 

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