Le tissage traditionnel (guésséda) : Un très vieux métier pratiqué par les hommes

Sene Kunafoni

Généralement pratiqué par les hommes et en plein air, le tissage traditionnel faisait partie des coutumes du Mali. Lors des mariages, baptêmes et décès la tenue traditionnelle appelé en langue nationale Bamanan ‘’Dalifini’’, conçu par le tisserand était porté et valorisé par les mariés et servait également de couverture, non seulement pour les personnes vivants pendant la période froide, mais aussi pour les corps de défunts.

Le fil de trame appelé en langue nationale Bamanan « guéssétônô », mesurant 7 à 8 mètres et le fil produit dans les usines tel que la COMATEX, est le fil qui entre dans la fabrication des bandes d’étoffes. Après tissage, les bandes d’étoffes sont remis aux couturiers qui les assemblent soit en couverture, ou en pagne. Contrairement au passé les tissus importés sont présentement plus utilisés que les pagnes tissés localement et cela a un impact négatif sur la tradition.

Le métier de tisserand consiste à fabriquer plusieurs bandes d’étoffes, les couvertures, les pagnes pour la confection de grand boubou d’hommes et femmes. Auparavant, chaque ethnie se faisait distinguer de par son tissu traditionnel. Au quartier Médina Coura, en commune II du district de Bamako, Demba Sow a installé son atelier de tisserand ou nous avons été pour avoir plus de précisions sur la situation actuelle d’un tisserand à Bamako. Chaque jour entre 06 heures et 18 heures, Demba SOW, artisan venu de Nioro du Sahel, dans la région de Kayes  s’adonne à cette activité qu’il exerce depuis 25 ans. Il raconte : ‘’ Nous fabriquons beaucoup d’étoffes, actuellement je tisse les pagnes et couverture qu’un client a commandé pour le mariage de sa fille. Il y’a plusieurs motifs de pagne traditionnel, mais le fil que nous achetons à la COMATEX est constitué de sept couleurs. Ces couleurs peuvent être utilisés dans la fabrication de couvertures multicolores. Egalement de tapis qu’on accroche au mûr pour embellir sa maison. Le tissage traditionnel peut être héréditaire comme dans ma famille, mais toute personne susceptible d’apprendre, nous lui apprenons sans contre parti ».

D’ajouter qu’un enfant désirant de devenir tisserand commence sa formation une fois qu’il atteint ses 12 ans : « La formation dure entre trois à cinq (3- 5) ans, mais seulement pendant la saison sèche. Il repart chez ses parents pendant l’hivernage afin de les aider dans les travaux champêtres. Tout au long de sa formation les étoffes qu’il aura à tisser reviennent à son maître. Souvent, quand celui-ci remarque que son élève est à la hauteur après ses années de formation, il lui accorde la main de sa fille pour consolider les liens.

Autre fois les pagnes traditionnels étaient portés pendant les cérémonies de mariages, chose qui n’est plus fréquent avec la nouvelle génération qui n’a d’yeux que pour les bazins et autres. Une jeune mariée devrait avoir au moins 100 à 3000 pagnes dans son trousseau de mariage et les parents y veillaient minutieusement. Mais seuls quelques Banambais suivent cette coutume à la trace, même si peu sont attachés maintenant il suffit d’avoir un ou deux pagnes traditionnels pour se marier et rare sont les jeunes filles qui en ont. Ce pagne traditionnel rentre dans l’ensevelissement d’un mort, les ancêtres l’utilisaient comme linceul. Chaque pagne a une signification dans la tradition, un nouveau-né qui a été enroulé dans un pagne traditionnel n’aura pas la même vie que celui qui n’a pas eu cette chance car chaque pagne que le tisserand tisse est fait par un savoir-faire, une incantation que lui seul a le don.

 

Les réalités de notre société sont tout autres, aucun rite ou tradition n’est respecté. La nouvelle génération voit les traditions ancestrales comme des futilités et pensent qu’elles sont dépassées. Ce noble métier qui consiste à habiller hommes et femmes de tout âge et de toutes ethnies, est en voie de disparition de par l’abandon de nos coutumes.  Les tisserands se font rare pour la simple raison que les tenues traditionnelles ne sont plus valorisées et sont moins rentables, regrette Demba SOW : « Beaucoup de nos amis qui exerçaient ce métier ont plié bagages maintenant ils ont fait fortune, si nous autres continuons de l’exercer c’est par amour du métier et on est ancré dans notre tradition car celui qui abandonne sa tradition au profit d’une autre n’est qu’une chauve-souris. Ne soyons pas complexés devant les autres, notre tradition est notre plus grande richesse ».

Le tisserand et l’araignée paraissent des êtres opposés par ce que tout simplement le tisserand fut un apprenti de l’araignée. Il a appris à tisser avec l’araignée en l’imitant, dit un adage.

Oumou Fofana

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