« Ordre reçu », « ordre exécuté » comme on dirait dans l’armée. En effet, c’était la 12e recommandation du dialogue inter-Maliens tenu du 6 au 10 mai 2024.
Les participants avaient notamment suggéré d’élever au grade de généraux les colonels Assimi Goïta, Malick Diaw, Sadio Camara, Modibo Koné, Ismaël Wagué et Aboulaye Maïga. Et ces derniers ne se sont pas fait prier.
Le mercredi 16 octobre 2024, le Conseil des ministres a donné suite à cette recommandation en bombardant Assimi Goïta général d’armée. Lui qui était jusque-là colonel saute quatre grades (colonel major, général de brigade, général de division, général de corps d’armée) d’un seul coup.
Les autres, Malick Diaw, Sadio Camara, Ismaël Wagué, Modibo Koné, deviennent eux aussi généraux de corps d’armée. Sont généraux de division Abdoulaye Maïga, Daoud Aly Mohammedine, Abdrahamane Baby, Abdoulaye Cissé, Moussa Moribo Traoré, Kaba Sangaré. Des généraux donc comme s’il en pleuvait. Comment pouvaient-ils ne pas exécuter cet ordre des congressistes quand bien même on pourrait penser que les autorités maliennes ont pu leur souffler cette idée à l’oreille.
Ce serait pour les acquis enregistrés ensemble et la reconquête de l’intégrité du territoire qu’ils se sont ainsi auto-cadeautés.
Oui, vous avez bien lu, pour la reconquête de l’intégrité du territoire, sauf que sans vouloir méconnaître leurs efforts, le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas aussi spectaculaires qu’on voudrait le faire croire.
Quatre ans après l’arrivée des militaires au pouvoir, force est de reconnaître que les spécialistes de la guerre qui étaient venus pour sauver le Mali sont toujours à la peine nonobstant toute la propagande ambiante qui entoure cette guerre. Et voilà donc que le locataire du Palais de Koulouba et ses camarades qui ont fait le coup de feu en août 2020 ne trouvent pas mieux à faire que de se bombarder généraux.
On a beau chercher, on se demande en quoi ces nominations vont booster la lutte contre le terrorisme et la reconquête du territoire. A-t-on vraiment besoin d’être général de corps d’armée ou de division pour mener ce combat salutaire pour la libération du Mali ? Pour un peu on croirait que c’est juste pour la gloriole ou le prestige du grade et peut-être subsidiairement les traitements conséquents qui vont avec. Même s’ils ne sont pas à ça près au regard des fonctions qu’ils occupent tous, à moins qu’ils veuillent disposer pour l’avenir.
En réalité ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce genre de nomination folklorique dans les annales politiques du Mali. On se rappelle que le capitaine Amadou Haya Sanogo après son coup d’Etat du 22 mars 2012 qui avait renversé Amadou Toumani Touré, était passé de simple capitaine à général de corps d’armée. Une ascension pour le moins fulgurante qui s’est terminée comme on sait puisqu’après avoir été lui-même désactivé, il a aujourd’hui des ennuis avec la justice malienne.
Certes, le garde de général est attribué de façon discrétionnaire par le chef suprême des armées mais dans la situation actuelle du Mali, c’est presque risible.
En s’auto-promouvant ainsi, ils peuvent créer sans le vouloir des frustrations au sein de l’armée dans la mesure où d’autres qui crapahutent sur le terrain ne sont pas pour autant moins méritants que ceux qui vont devenir, pour ainsi dire des généraux de salon puisqu’ils sont dans le confort douillet de Bamako.
Quelle est cette manie bien africaine où des militaires qui arrivent souvent par effraction au pouvoir ne trouvent pas autres choses à faire qu’une ascension fulgurante par la courte échelle? On se rappelle en effet qu’en Guinée Mamadi Doumbouya lui aussi a été élevé au grade de général de corps d’armée.
Et que dire plus près de chez nous d’un certain Yacouba Isaac Zida qui après l’insurrection populaire 2014 ayant balayé Blaise Compaoré s’est fait nommer général de division par le président Michel Kafando avant la fin de la Transition ? Comme si cela pouvait apporter quelque chose de plus au côté opérationnel efficace de nos armées !
Akodia Ezékiel Ada
L’Observateur Paalga( journal burkinabé) du
16 Oct 2024