Le mercredi 13 mars 2024, la dissolution de l’AEEM a été officiellement annoncé en Conseil des Ministres. Même si cette décision était souhaitée par de nombreux maliens depuis des années, la prise de cette décision a suscité beaucoup de réactions. Saluée par certains, la décision est amèrement contestée par d’autres. Lisez plutôt les réactions que nous avons recueillis pour vous.
Hamadoun TOGO, Président de l’Association Elite Leadership For Africa, Gestionnaire d’entreprise, Consultant en Développement d’Affaires :
Nos autorités sont en partie responsable de toutes ces dérives au sein de l’AEEM. Je ne parle pas des liens avec certains hommes politiques, mais Il y’a lieu de se poser les bonnes questions : Qui est responsable de la sécurité de l’espace scolaire et universitaire ? Qui doit créer les bonnes conditions d’études pour les étudiants ? Qui doit veiller au respect des règlement dans les espaces scolaires et universitaires ? Qui, lors de certaines rencontres politiques pousse les secrétaires généraux à faire sortir les élèves ? L’AEEM est née pour combler un vide qu’a laissé les autorités scolaires et universitaires.
Mohamed Koné Mandela, ancien Secrétaire Général :
Je propose une réforme des textes et la limitation du nombre de mandant à une année non renouvelable. Au lieu de la dissolution de l’aeem.
Dr Oumar PLEA, spécialiste en Système d’Information Géographique (SIG) Enseignant-chercheur :
L’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM) est une association de droit malien créée suivant le récépissé de déclaration d’association n°10281/MAT-DNAT du 20 avril 1991. La dissolution de cette association par le gouvernement est un mal-nécessaire. Il fallait dissoudre depuis les premiers affrontements qu’ont eu lieu en 2006 sur les différents campus. De sa création en 1991 à nos jours, l’AEEM a connu des changements d’ordre structurels et objectifs dans son fonctionnement général. Au lieu de défendre la cause des étudiants, elle est souvent utilisée par des hommes politiques véreux comme un instrument de manipulation et de déstabilisation. Aujourd’hui, force est de constater que l’AEEM ne répond plus aux causes des élèves et étudiants conformément à ses objectifs. Elle est devenue une épine dans le dos des universités Maliennes.
Ce qui s’explique par des violences et affrontements à main armée en milieu scolaire et universitaire. Très récemment, en date du 28 février 2024, elle a fait l’objet d’un affrontement ayant causé la mort d’un jeune étudiant de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion et plusieurs blessés graves. Ces agissements, d’une extrême gravité, sont survenus dans la perspective du renouvellement des instances du bureau de coordination de l’Association et ont provoqué la suspension immédiate de ses activités dans l’espace universitaire jusqu’à nouvel ordre.
Il était évident que cette association a montré toutes ses limites. Par conséquent, il fallait la dissoudre pour le bien-être des universités Maliennes afin d’interdire le banditisme sur les campus et d’encourager l’excellence.
Maïmouna Salamanta, Géologue, Directrice de Moulina Mining SARL :
De mon point de vue, il s’agit de la plus belle décision que la transition a effectué pour l’espoir de l’éducation Malienne.
Cheick OT Diarra, Sociologue :
Une décision à saluer Ce qui reste pour eux (AEEMistes) est de travailler bien pour mériter les récompenses, éviter les chemins faciles. L’honnêteté, la discipline, la rigueur, le sens de la responsabilité sont gage d’une véritable réussite. L’aeem était devenu le raccourci pour avoir des postes et se faire des sous sur le malheur des pauvres élèves et étudiants…
Mohamed Attaher Halidou, Journaliste Joliba TV :
La dissolution de l’AEEM est une décision liberticide. Oui, à la refonte de l’AEEM pour qu’elle devienne un véritable outil de défense des intérêts des élèves et étudiants, rappelons ici que l’AEEM a une histoire, une mémoire. Elle était en première ligne contre la dictature du Général Président Moussa TRAORÉ. Le mouvement était un acteur de premier plan de la révolution de Mars 1991. Si le peuple applaudit sans comprendre toutes les décisions de la transition, il y a aura une série de dissolution. Et nous n’aurons que nos yeux pour pleurer. Dans ce pays, nous avons toujours refusé les vrais débats. On préfère amuser toujours la galerie.
EDM nous traumatise, la dissolution de l’AEEM nous amuse. Nous sommes dans la manipulation des masses. Attention à ne pas casser le thermomètre !
Siaka Diamouténé, Journaliste Maliweb :
J’approuve la décision de dissolution de l’AEEM pour la simple raison que cette association s’est transformée au fil des années à un monstre pour l’école malienne. L’AEEM a instauré la violence, la médiocrité et la mort dans l’espace scolaire et universitaire.
Nouhoum Keïta Secrétaire Administratif de parti Politique :
Je suis contre cette dissolution. L’AEEM constitue le symbole d’une lutte pour une école démocratique, accessible à tous, performante et de qualité.
La question de la violence n’a pas été abordée d’un point de vue politique. Mais, seulement sécuritaire. Cela depuis de nombreuses années. Or, ce climat de violence auquel il faut ajouter cette corruption effrénée d’une grande majorité de dirigeants de cette association ont largement contribué à transformer radicalement ses méthodes de lutte et sa gouvernance interne. Les pouvoirs en place, devant leur incapacité congénitale à répondre aux aspirations des élèves et étudiants, se sont livrés à la corruption, à la division de cette organisation d’avant garde, pour la discréditer largement aux yeux de l’opinion publique nationale. C’est dans ce contexte que nous avons assisté à la naissance des milices, à l’introduction des armes blanches lors de renouvellements des organes de direction.
Les revendications des élèves et étudiants ne pouvaient pas être satisfaites par les dirigeants pris à la gorge par les recettes des institutions financières internationales (FMI et BM) qui ont imposé des réformes meurtrières pour notre système éducatif.
La division et l’affaiblissement de l’AEEM ont été érigés en mode de gestion politique pour mieux faire passer ces réformes. Les revendications justes et légitimes des élèves et Étudiants ont vite été abandonnées par nos démocrates plus soucieux de s’emparer des coffres forts que d’engager des réformes de qualité pour rendre performant notre système éducatif. Et pour se donner bonne conscience, les autorités organisent des séminaires pour prévenir et lutter contre la violence. Les recettes proposées sont connues de tous : Installation des équipes mobiles de sécurité ; Responsabilisation des élèves et étudiants par le biais des règlements intérieurs ; Mise sur pied dans les établissements scolaires et universitaires des Comités de la Qualité et des Comités d’Éthique et de Déontologie etc.
Quelles évaluations peut-on faire des nombreuses recommandations qui ont été formulées pour enrayer ces cycles de violence ?
Aujourd’hui, on décide de dissoudre l’AEEM. À mon avis c’est une erreur politique qui ne règle pas la question de fond. A savoir quelle alternative à notre système éducatif ?
Notre système éducatif, tout comme notre système de santé traverse une crise profonde. Je suis partisan de mesures fortes et dissuasives contre les auteurs d’actes de violence qui causent des pertes en vies humaines et des dégâts de toutes sortes. Cependant, je ne cautionne pas la dissolution d’une organisation syndicale, héritière d’une longue tradition historique de lutte. L’Etat devait prendre des mesures administratives pour amener cette organisation à instaurer des méthodes et pratiques de gouvernance conforme aux idéaux et aux valeurs dont elle se réclame. Sa dissolution est une erreur politique…
Adama Bourama Koné, Chargé de la sensibilisation au Secrétariat Permanent de Lutte contre la Prolifération des Armes Légères :
L’AEEM à un moment donné avait perdu son sens et toute sa crédibilité. L’AEEM crée dans le temps par nos aînés était un outil de travail dans notre système scolaire et universitaire, mais au fil du temps il était difficile de faire la différence entre un film western et la mise en place des bureaux l’AEEM d’où l’intervention de notre service auprès des membres pour lutter contre le flux des Armes Légères, à feu et blanche en milieu scolaire et universitaires. Mais il faut noter que l’état, c’est à dire notre politique en est pour beaucoup dans ce nouveau revirement qu’a pris l’association des élèves et étudiants puisque les dessous sont connus…
Nouhoum Oumar Diarra, Conseiller à la Mairie de Kambila, Directeur de CAP :
Pour moi, la dissolution de l’AEEM est intervenue au moment opportun, car cette organisation censée défendre les intérêts matériels et moraux des élèves et étudiants du Mali devenait de plus en plus dangereuse. Les objectifs de l’AEEM ont été détournés depuis belle lurette. Elle est devenue un moyen de pression sur l’administration scolaire voire sur les leaders politiques et administratifs pour se faire les poches. Je salue la décision de sa dissolution.
Dr Seydou Oumar Cissé :
Je pense que, la dissolution de l’AEEM au Conseil de Ministres du 13 mars dernier est une bonne chose. Par ce que cette association a perdu sa valeur d’antant. Nous avons connu l’AEEM pour la défense des intérêts matériels et moraux des élèves et étudiants. Mais cette association est devenue une jungle où la loi du plus fort règne. Imagine, pendant les élections dudit bureau, il faut être bien armé (par les armes à feu et armes blanches) pour se faire craindre. Sinon la plus grande arme qui devrait prévaloir est la capacité à convaincre, en s’adressant à l’intelligence, ce qui permet de faire reconnaître le caractère véridique d’une idée ou d’un point de vue. L’AEEM se fixait comme objectif de promouvoir la culture de l’excellence et rendre l’école malienne plus compétitive. Mais hélas la seule compétition qui prévaut au sein de l’AEEM est comment se faire de l’argent, comment se faire craindre. J’ai même appris que certaines écoles privées payaient la dîme aux dirigeants de l’AEEM afin qu’elles puissent terminer leur programme. De toutes ces observations qui précèdent, je pense que cette dissolution est bonne initiative mais, il faut trouver un autre moyen pour défendre les intérêts des plus de 100.000 étudiants.
Koureichy Cissé, Journaliste Mali Tribune :
Bon, je pense qu’il fallait réfléchir à une autre solution qui n’est pas la dissolution. On pouvait aller vers une refonte ou tout autre mesure, mais pas la dissolution. L’AEEM en quelques sortes est un mal nécessaire. Lors de la grève de la Synergie des enseignants, c’est grâce à l’AEEM que la grève a pris de l’ampleur nationale. Avec les enseignants, c’était seulement les écoles publiques voire les pauvres. Et on sait que ça n’allait pas trop attirer l’attention des autorités politiques. C’est quand l’AEEM est rentré dans la danse que ça a été une grève à toutes les échelles. Et ça a touché tout le monde.
Ensuite, dans les lycées et les universités, certaines tares de l’administration et de certains enseignants, sans l’AEEM, ce serait le désordre. Donc ce machin est un mal, mais un mal nécessaire qu’il ne fallait pas dissoudre. Il fallait réfléchir un peu plus. Merci.
Youssouf Keïta, Président AJDS: La dissolution de l’AEEM constitue une étape cruciale pour évaluer les problèmes structurels et les dysfonctionnements qui ont entaché l’association au fil du temps. Les violences et les décès tragiques qui ont été associés à ses activités récentes exigent une réflexion approfondie sur les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et le bien-être des élèves et étudiants au sein de leur organisation représentative.
Cependant, au-delà de cette analyse spécifique, cette dissolution soulève des préoccupations plus larges concernant l’état de la liberté d’association dans notre société. La répétition de dissolutions d’associations met en évidence une tendance inquiétante où le gouvernement intervient de manière drastique dans le fonctionnement des organisations civiles.
Cela soulève des questions sur la capacité des citoyens à exercer leurs droits démocratiques fondamentaux, y compris le droit de s’organiser et de s’exprimer librement. Ainsi, la dissolution de l’AEEM ne doit pas seulement être vue comme une réponse à des incidents spécifiques, mais comme un catalyseur pour une réflexion plus large sur la gouvernance, les libertés civiles et le rôle des organisations étudiantes dans la société malienne.
C’est une opportunité de repenser et de renforcer les mécanismes démocratiques qui garantissent la participation active et sécurisée des jeunes à la vie publique.
Réalisation Dognoume Diarra