Au Mali, la 4ème audience publique de la commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) s’est tenue le samedi 18 septembre 2021 au Centre international de conférence de Bamako (CICB).
Cette quatrième audience portait sur trois thèmes : « Atteintes au droit à la liberté», «Atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique, torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants» et «Les disparitions forcées ». Au cours de cette journée, 17 victimes, dont quatre femmes, se sont présentées devant les commissaires du CVR pour être entendues.
La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de la réconciliation nationale, le colonel Major Ismaël Wagué, en présence du président de la CVJR Ousmane Oumarou Sidibé.
Les audiences publiques qui ont débuté en 2019, servent de cadres aux victimes d’exprimer leurs souffrances et d’instaurer un dialogue national sur les graves violations des droits humains qu’elles ont subies. Elles contribuent également à faire connaître la vérité et à jeter les bases de la réconciliation nationale.
Parmi les 17 victimes reparties en 13 témoignages recueillis, il y a quelques-uns dont les récits soulèvent beaucoup d’émotion dont le cas de Mme Hawa Doumbia, commerçante également veuve.
Alfousseini Diaby, un enseignant a parlé de l’histoire de son frère jumeau Alhassane « Le samedi 3 décembre 2011 à 17h 50 à Kidal, des hommes en tenue sont apparus chez nous sans cause, je leur parlais quand mon frère est également sorti leur demandant ce qui se passent. Mais directement ils ont tiré sur lui le mettant dans un bain de sang. J’ai donc sauté un mur prenant la tangente quand ils continuaient à tirer sur moi aussi.
Après donc être vraiment rassuré qu’ils sont partis, je suis allé trouver mon frère sans vie. Depuis ce jour je ne vis plus car l’autre partie de moi s’en est allée à jamais surtout à chaque fois que je vois sa femme et ses enfants qui ne savent toujours pas que leur père est mort à cause de notre extrême ressemblance.
Notre père avant sa mort, toute la famille et moi-même demandons justice vu que jusqu’à aujourd’hui nous ne savons pas qui exactement et pourquoi il a été tué ».
Mme Hawa avec beaucoup de larmes aux yeux et d’émotions s’est exprimée « J’ai 2 enfants, une fille et un garçon handicapé marié aussi à une femme handicapée. Mais je suis venue parler de l’histoire de ma fille qui s’est passée le 15 avril 2015 mariée à l’époque et mère de 2 enfants.
Ce jour, c’était l’approche des examens lorsqu’elle était sur le toit de la maison très tôt le matin, un engin explosif est subitement tombé dans ma maison et la maison voisine avec un très grand bruit. Soudain j’attends ma fille crier mon nom qu’elle a perdu ses pieds, directement j’ai piqué une crise et à mon réveil, j’ai été informée qu’elle a été amenée à l’hôpital où je l’ai trouvée déjà au bloc et Dieu merci les soins ont été pris en grande partie par la GIZ. Ma fille, une fois amputée, je ne cessais de pleurer avec l’idée d’avoir une famille d’handicapés aussi parce qu’elle était également la seule à m’aider dans les charges familiales jusqu’au 2 mai où elle renda l’âme après d’insupportables douleurs qui incarnaient tant de pitié.
Dans la famille voisine l’amie de ma fille est aussi décédée sur le champ et un autre petit garçon touché là-bas avait les intestins totalement dehors.
Je demande donc aux personnes de bonnes volontés à m’aider à cause de Dieu car je prends de l’âge et je n’ai rien ni personne pour nourrir ma famille ».
Amidou Guindo commerçant, marié à 2 femmes et père de 15 enfants vivant à Darsalam dans le cercle de Bankass. A déploré les faits suivants : Mon village à été attaqué en 2019 à 5 heures du matin par des groupes armés causant la mort de 6 personnes où d’autres ont pu fuir.
Ce jour-là, mon père a été touché à la tête, mon fils de quelques années touché au niveau du ventre avec les intestins qui traînaient par terre sont tous 2 morts et ma femme également enceinte de 9 mois touchée au ventre.
Depuis ce jour, rien ne va chez nous, nos biens sont détruits et on ne sait plus comment faire pour cultiver tellement que nous vivons dans la galère.
Nous interpellons donc les autorités pour la sécurité de notre localité en lançant également un cri de cœur pour avoir de quoi pour survivre et pouvoir aller dans nos champs ».
Un cas emblématique. Il s’agit de celui des ayants droit et victimes du coup d’Etat de 1967 contre feu l’ancien président Modibo Keïta, a particulièrement émus l’assistance.
Auparavant le ministre Ismaël Wagué a affirmer au nom des autorités de la transition, la condamnation sans réserve des violations des droits de l’Homme quels que soient leurs auteurs. « Nous condamnons fermement toutes les atteintes aux droits de l’Homme, en particulier celles qui font l’objet des audiences publiques de la CVJR », a déclaré le ministre.
Dans son intervention, le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, avait indiqué que les trois thèmes qui feront l’objet de témoignages aujourd’hui illustrent à suffisance la gravité des violations des droits de l’Homme et leurs conséquences sur les victimes et leurs proches, ainsi que sur le vivre ensemble.
Pour sa part, la représentante des victimes, Mme Fatoumata Touré, a salué les efforts de la CVJR pour l’organisation réussie des différentes audiences publiques. Selon elle, ces audiences sont très importantes pour eux, les victimes.
Issa Baradian TRAORE